Avant même que l’adresse de ses bureaux ne soit
sortie de notre bouche, le chauffeur de taxi répond: «Ah, vous allez voir
Linklater?» À Austin, Richard Linklater est incontournable. L’impact sur sa
ville d’adoption est concrète – il a fondé la Austin Film Society, ciné-club et
fondation d’aide au cinéma locale, ainsi que les Austin Film Studios, vaste
complexe de tournage – mais existe aussi de manière impalpable. Son film
Slacker a donné une image inoubliable d’Austin comme ville décontractée,
excentrique, carrément dingue, mais a aussi créé un modèle de cinéma local
farouchement indépendant et rentable. Sa présence ici a attiré nombre de
cinéastes, dont son ami Robert Rodriguez qui a bâti ses propres studios à côté
des Austin Film Studios. S’il n’a pas directement participé à la création de
South by Southwest Film, le festival est une période faste pour Richard
Linklater, pendant laquelle il accueille ses amis venus d’ailleurs, voit les
films de ses émules et présente souvent son dernier-né. Cette année, c’était
Before Midnight, troisième film de la série engagée par Before Sunrise il y a dix-huit
ans.
1.
Quelle est l’histoire des studios d’Austin?
2.
À la fin des années 90, ils ont bâti un nouvel
aéroport au sud de la ville. Avec mes amis, nous avons demandé à la
municipalité de nous laisser occuper l’ancien pour en faire des studios pour
l’industrie de cinéma locale. Les hangars font de bons plateaux de tournage. Et
ils ont accepté! C’est là où Austin est différente. La plupart des villes nous
auraient ri au nez. Le site appartient toujours à la municipalité, mais il est
géré par la Austin Film Society, que j’ai fondée en 1985. Beaucoup de films ont
été tournés ici, dont True grit des frères Coen et Boulevard de la mort de Tarantino. Pour
un type qui a fait tant d’efforts pour construire ce studio, je n’y ai tourné
qu’une seule journée! Je ne tourne pas beaucoup en studio. Mais c’est bon pour
l’industrie locale, même si je n’en ai pas profité moi-même.
3.
Vos débuts remontent à la création de la Austin
Film Society?
4.
Je tournais déjà des films, mais je faisais
encore mon apprentissage. En fait, je venais juste de commencer mon premier
long métrage, It’s impossible to learn to plow by reading, une espèce de
road-movie en super 8 qu’on peut trouver sur le DVD Criterion de Slacker. La première séance de la Austin
Film Society s’est déroulée deux semaines après mon retour d’une période de
tournage. La narration de It’s impossible... était oblique, c’était mon truc à
l’époque. Mais sur le suivant, Slacker,
j’ai exprimé l’écrivain qui était en moi. Une fois que mes personnages se sont
mis à parler, ils n’ont plus jamais arrêté! Mais en 1985, j’était tout
simplement avide, je voulais voir beaucoup de films. J’ai fondé la Film Society
pour moi et quelques amis.
5.
Il n’y avait pas de cinémathèque à Austin, à
l’époque?
6.
Il y avait just une programmation à l’Université
du Texas. Ils montraient un film par réalisateur. Je voulais savoir où étaient
les vingt ou trente autres. Alors j’ai commencé à faire des rétrospectives avec
une quinzaine de films par auteur. À l’époque, c’était du 16 mm, on pouvait
faire les projections dans le salon. Les copies arrivaient et on les montrait
le soir même. Je vivais dans une atmosphère de ciné-club. On trouve ça tout au
long de l’histoire du cinéma, surtout quand une nouvelle vague apparaît ici ou
là: un groupe de jeunes apprentis cinéastes qui écrivent sur le cinéma ou
programment des films, des cinglés de cinéma qui ne savent pas encore quelle
forme prendra leur passion.
7.
Vous étiez entouré de cinéphiles dans votre
enfance?
8.
Pas du tout. Quand j’était gosse, à Houston, je
pensais être un écrivain. J’ai commencé à vraiment voir des films quand j’avais
20 ans. Je faisais des études d’anglais, mais une fois par semaine un prof
organisait un ciné-club en VHS et on parlait des films. J’ai commencé à les
voir autrement.
9.
Vous êtes toujours actif dans la programmation
de la Film Society?
10.
Je suis toujours directeur artistique, je
supervise tout. Vingt-sept ans plus tard, je n’ai toujours pas lâché les rênes.
Si je pense qu’on fait une bêtise, je le dis, mais je travaille avec des gens
géniaux. Nous avons beaucoup d’autres activités: l’assistance aux artistes, les
bourses aux cinéastes locaux, des programmes éducatifs dans les écoles. C’est
immense. Mais pour moi, l’essentiel c’est de montrer des films. Presque tous
les jeunes cinéastes d’Austin passent par la Film Society. La plupart ont reçu
des bourses de notre part. On est un peu comme une «mangeoire» pour eux. Brian Poyser, notre
ancien directeur pour l’assistance aux artistes, est un bon exemple: il a
étudié le cinéma à l’Université du Texas, réalisé quelques films, travaillé
pour la Film Society et, aujourd’hui, il a un excellent long à South by
Southwest, The Bounceback.
11.
À quel moment Austin a commencé à attirer autant
de jeunes cinéastes?
12.
Cela s’est fait progressivement. La ville a
beaucoup changé ces vingt ou trente dernières années, sans doute à cause des
festivals de cinéma – South by Southwest, le Austin Film Festival, ainsi que
des festivals de films latins ou gays et de courts métrages. C’est aussi une
communauté très solidaire. On est les seuls à donner des bourses pour le cinéma
– même si les sommes ne sont pas énormes. Mais ça fait passer le message qu’on
habite dans une communauté pour qui c’est important. Ou tout simplement le fait
qu’il y a une communauté! C’est ce que je cherchais en venant à Austin à 22
ans. J’habitais à Houston, je ne connaissais personne ici, mais je sentais
qu’Austin était une ville où je pourrais développer ma passion.
13.
Vous n’avez jamais voulu vivre à Los Angeles?
14.
Jamais! Je n’aime pas la façon dont fonctionne mon
cerveau quand je suis à Los Angeles. C’est un problème de mentalité. Je suis
souvent à New York, mon autre ville. Mais le cinéma indépendant est n’importe
où. J’essaie d’éviter les villes vouées à l’industrie du cinéma, où on parle
toujours business. C’est très fatigant psychologiquement.
15.
Un ami d’Austin de votre génération m’a dit que
Slacker était responsable de la transformation d’Austin, petite ville hippie de
200 000 habitants, en ville branchée de 800 000 habitants.
16.
Un seul film a quadruplé la population? (Rires.)
Slacker a certainement eu un impact
sur le cinéma ici, par le seul fait qu’un film d’ici ait pu décrocher une
distribution nationale et ait eu un impact culturel. C’était nouveau pour
Austin, à l’époque. On avait déjà tourné des films ici, mais surtout des films
de genre ou d’horreur comme Massacre à la
tronçonneuse. Le fait qu’on pouvait y faire un film indépendant qui ne
parlait pas de cow-boys et qui donnait une autre image du Texas a vraiment eu
un impact. Certes, Slacker donne une image d’Austin qui a attiré un certain
genre d’individus – pas 600 000, mais quelques milliers! Le film a mis Austin
sur la carte du weird. Mais ce n’est
pas moi qui ai créé ça, j’ai simplement reflété ce que j’y voyais. Et c’est à
deux tranchants. On me dit parfois: «Si jamais Austin me manque, je regarde Slacker.» Mais d’autres me disent au
contraire: «Quand j’ai envie de revenir à Austin, je regarde Slacker et ça me rappelle tout ce que
j’y déteste!»
17.
Le mot «slacker» est même rentré dans le
dictionnaire vers cette époque.
18.
C’est ça,
un ou deux ans plus tard. Le film faisait partie d’un même «movement» avec
Nirvana, le grunge... Il participait de quelque chose. Je savais que c’était un
peu idiot d’en faire un grand mouvement et de l’intellectualiser. Mais il y
avait certainement quelque chose. Au départ je voulais juste faire un film.
J’espérais le montrer dans quelques festivals. J’avais une vague idée de le
vendre à la télé – et ça s’est fait, la télé allemande l’a acheté, ce qui m’a
permis de le terminer. Ça n’aurait pas été réaliste d’avoir beaucoup
d’attentes: le film n’a pas d’histoire!
19.
Est-ce que le succès de Slacker a rendu les
choses faciles?
20.
Oui, et à l’époque Hollywood prenait encore des
risques. Tous mes films après Slacker
ne pourraient plus être produits aujourd’hui. Pour Dazed and Confused, un type dans un bureau m’a réellement dit:
«Très bien, on va te donner 6 millions pour réaliser cette comédie bizarre sur
des ados...» Le chef d’Universal n’avait pas vu Slacker mais il avait lu dans Variety
que le film avait gagné de l’argent, et puis Dazed and Confused semblait
commercial, même s’il ne l’était pas. Aujourd’hui je pense que je n’arriverais
même pas à le financer en tant que film indépendant: il n’y a pas de vedettes
et les ventes internationales sont basées sur les acteurs, c’est une espèce de
formule à la con. Je suis né au bon moment, ça fait longtemps que ces portes-là
se sont fermées.
21.
Les studios étaient contents de Dazed and
Confused?
22.
Non. On était sur le point de commencer le
tournage, tout le monde était enthousiaste à Hollywood. Et puis le chef du
studio a vu Slacker et ça a jeté un
froid sur ma production jusqu’à la fin du tournage. Ils ont décidé que j’étais
une espèce de petit mec prétentieux et qu’ils ne me faisaient pas confiance.
C’était angoissant, ils étaient vraiment contre moi. Mais j’ai terminé le film.
Ils l’ont largué chez un petit distributeur, déterminés à ce que ce ne soit pas
un succès. Mais finalement, le studio a gagné beaucoup d’argent avec ce film.
Pas moi. Mais j’aime Hollywood. Je n’ai aucun problème
avec eux. Je pense juste qu’ils ont compris ce qu’ils font, ils ont
réglé leur business model, et j’ai eu
la chance de pouvoir l’exploiter à un moment donné.
23.
Entre It’s impossible to learn to plow by reading, film structurel en
super 8 où vous occupiez tous les postes, et Rock Academy, une comédie
hollywoodienne à succès avec Jack Black, ça fait un drôle d’écart en une
quinzaine d’années...
24.
En effet. En même temps, la chambre de Jack
Black dans Rock Academy, c’est la
chambre ronde de It’s impossible. C’est le même personnage, aussi: quelqu’un de
jeune, qui a une passion mais ne trouve pas sa place dans le monde. Et j’ai
toujours flirté avec la comédie, même si j’étais le premier surpris quand j’ai
va que Slacker était drôle. C’était
la première fois que je faisais rire. Quand j’étais écrivain, mes pièces
étaient drôles, mais je ne pensais pas que j’étais drôle en tant qu’individu.
J’avais une vision sérieuse, plutôt tragique du monde. Pour Rock Academy, j’étais à une étape dans
ma carrière où je pouvais prendre ce risque – avant je ne pouvais pas, pendant
des années j’avais dit non à toutes les propositions. Là, je savais que je
pourrais toujours revenir aux films à petits budgets. C’est le problème pour les
cinéastes aujourd’hui: ils font leur deuxième plutôt que leur huitième long
avec un budget de 30 millions de dollars, pour un studio. Quand je suis arrivé
à ce stade, j’étais déjà chevronné, j’avais confiance en moi. Car si les
studios sentent une faiblesse, ils te bouffent. Le film que j’ai réalisé avant Rock Academy avait un budget de 100 000
dollars, et celui d’après de 2,7 millions. Pour moi les films de studio ne sont
pas comme la Ligue des champions. Certains y accèdent et pensent qu’après,
faire un petit film serait un pas en arrière. Pas moi.
25.
Quand vous avez réalisé Before sunrise,
pensiez-vous que ce serait une trilogie?
26.
Non, je n’aurais pas pu l’imaginer. C’était une
belle expérience avec Ethan et Julie il y a dix-huit ans. Le risque, c’était de
faire le deuxième à Paris. C’était effrayant, parce que si on le retait, on
foutait en l’air le premier. Personne ne nous demandait de suite. Je dis
toujours que Before Sunrise est le
film le moins rentable à avoir donné lieu à une suite. Pour le troisième, c’est
encore autre chose. Avec Julie et Ethan, nous formons un trio, un tout. J’avais
écrit un premier scénario en onze jours, et nous nous sommes enfermés à Vienne
pendant trois semaines. C’est ma méthode, surtout pour la trilogie, j’ai besoin
de la collaboration des acteurs. On passe des jours à écrire trente pages et on
en jette vingt-neuf et demie. C’est un processus assez intense, mais l’écriture
est essentielle. Ensuite je répète beaucoup, je ne vois pas comment les autres
peuvent s’en passer. Je suis toujours en train d’essayer de comprendre comment
je vais tourner la scène, quel va être le ton. Ma formation d’acteur m’a donné
le goût des répétitions. Soudain un mot qui marchait sur la page ne fonctionne
pas dans la bouche de l’acteur. Et j’aime apprendre à connaître les gens que
j’ai engagés et voir ce qu’ils peuvent ajouter au film.
27.
Vous avez déclaré que le premier film était basé
sur une nuit que vous avez vécue. Est-ce que la femme qui a inspiré le film
vous a contacté suite à sa sortie?
28.
Bonne question. J’ai bien dit ça, je suis un des
rares réalisateurs à admettre que mes films sont autobiographiques. Pas comme Woody
Allen! À l’époque, j’avais raconté que le film était basé sur une nuit que
j’avais passée à me promener avec une fille à Philadelphie. Le dernier film lui
est dédié. Elle ne les a jamais vus. C’est une histoire étrange. Il me semblait
bizarre qu’elle ne se manifeste pas. Puis, il y a quelques années, une femme
m’a contacté et m’a dit qu’elle avait connu une fille qui avait passé une nuit
avec un cinéaste du Texas... Elle avait compris que
c’était elle en voyant les films et m’appelait pour me dire qu’elle était
morte. C’était tellement choquant. Elle est morte environ un mois avant
qu’on arrive à Vienne, elle n’était même pas en vie lorsqu’on tournait le
premier. Je l’ai appris entre le deuxième et le troisième. J’ai appelé
Ethan pour lui raconter ça et il a constaté que sans elle, on ne se serait
peut-être jamais connus, lui et moi. C’était une belle façon de réagir: tout ce
qu’on fait dans ce monde peut avoir un impact positif ou négatif, sans même
qu’on le sache.
29.
C’était intimidant pour vous en tant que
cinéphile de filmer à Paris?
30.
C’était magique. Je vivais dans le Quartier
latin et je me rendais au plateau à pied, pensant à tous mes cinéastes préférés
qui avaient filmé ici. Mais c’est une ville difficile pour tourner – il y a
plein de réglementations. Il vaut sans doute mieux tourner sans permis, mais
nous étions trop «officiels» pour nous passer de permis. Mais l’important, c’est
l’esprit des lieux. Et je suis fier de ne pas avoir montré la tour Eiffel.
31.
Pouvez-vous nous parler de Boyhood, le film que
vous tournez au Texas sur
une période de douze ans?
32.
Je voulais faire un film sur l’enfance.
D’habitude il faut choisir un moment, comme dans les 400 coups, mais je voulais dire quelque chose sur toute une
enfance. Je pensais écrire un roman. J’ai commencé à l’écrire et j’ai eu cette
idée de filmer un petit peu chaque année, presque en passant, mais de raconter
une vraie histoire. Elle a un peu l’architecture de ma propre vie, mais ça se
passe aujourd’hui. Je viens juste de tourner un autre épisode le week-end
dernier. Le gamin qui joue le rôle principal avait 7
ans quand on a tourné le premier épisode en 2002, aujourd’hui
il en 18. On va tourner pour la dernière fois l’année prochaine. Il joue
un personnage qui a un an de moins que lui, donc le film se terminera quand il
quitte le lycée et part à la fac. C’est le projet le plus bizarre et le plus
intéressant de ma vie.
33.
Vous connaissez la fin de l’histoire?
34.
Oui. J’ai le dernier plan en tête depuis neuf
ans. On fait la même chose chaque année: on monte les nouvelles séquences, on
regarde le tout et puis on ajuste par rapport à ce qu’on a vu. C’est la
première année où la fin semble proche, tout le monde sur le plateau pouvait
l’imaginer: plus qu’une année! Et ce gosse qui ne savait quasiment pas lire est
devenu comme Ethan Hawke! Au fut et à mesure qu’il grandissait, on intégrait sa
personnalité au personnage. Je n’ai jamais rien mis dans le film qu’il n’ait
vécu, je n’allais pas lui imposer quelque chose. Quand il avait 14-15 ans, je
voulais tourner une sortie du vendredi soir. Je lui ai demandé s’il prendrait une
bière dans ces cas-là, et il m’a répondu qu’il préférait l’herbe. Très bien, le
personnage fume un joint avec ses potes... Cette année il ressemble beaucoup à
un personnage de Dazed and Confused.
Le film durera deux heures et demie. On verra le garçon grandit en une séance
de cinéma. Ou, comme dit Ethan: ils grandissent, on vieillit...
Entretien
réalisé par Clémentine Gallot et Nicholas Elliott à Austin, le 12 mars.
Au commence était Slacker
Slacker
est sans doute le film américain le plus important à ne pas être sorti en
France. Distribué aux États-Unis en 1991, il participe à un moment charnière du
cinéma indépendant, faisant suite à la première éclosion des années 80 (Spike
Lee, Jim Jarmusch) et permettant pour un bref moment tous les espoirs: Sexe, mensonges et vidéo, premier long de Steven Soderbergh, 27 ans, gagne la Palme
d’or en 1989, Roger et moi,
documentaire militant du nouveau venu Michael Moore, est acquis par la Warner
pour 3 millions de dollars, et Slacker, autoproduit par Richard Linklater avec
23 000 dollars pour et avec la communauté cinéphile d’Austin, devient un
phénomène national, définissant une génération aux côtés de Nirvana et du bien
nommé roman de Douglas Coupland Génération
X.
Un
slacker, c’est un flemmard, mais pas
seulement. Le slacker type tel qu’il
se profile à travers les monologues qui se succèdent au long du film de
Linklater est un excentrique et un descendant du Bartleby d’Herman Melville:
certes pas un révolutionnaire, mais un insoumis. Avec un poil dans la main.
Deux ans après la sortie du film, le mot «slacker»
rentre dans le Oxford American Dictionary.
«L’action»
de Slacker se déroule sur une période
de vingt-quatre heures à Austin. Près d’une centaine de personnages défilent
sans jamais entamer de récit au sens traditionnel du terme. La caméra dérive
dans le quartier universitaire, accordant quelques minutes aux théories d’un
spécialiste de l’assassinat de JFK avant de s’attacher à un apprenti
Dostoïevski, puis à un dévaliseur de distributeur de soda. Elle rencontre une
illuminée vendant un frottis vaginal de George Bush père, et même, dans le rôle
de la «cousine grecque», Athina
Rachel Tsangari, future réalisatrice d’Attenberg
et coproductrice de Before
Midnight. Si la caméra est volage, elle est tout sauf flemmarde:
l’ingéniosité des passages de relais d’un personnage à l’autre et l’utilisation
des travellings élèvent Slacker bien
au-delà du film à dispositif ou du film fauché. Malgré son budget minuscule,
Linklater avait l’intelligence et le talent pour voir grand: le premier passage
de relais est filmé en plan-séquence avec une grue, évoquant plus La Soif du mal que Cassavetes. Si la
parole coule à flots dans Slacker, la
mise en scène la canalise.
En
ressort l’image indélébile d’une drôle de ville un peu endormie où
l’intelligence et l’excentrisme vont de pair. D’aucuns present que Slacker a
amorcé le processus qui en vingt ans a transformé Austin d’un paradis pour hippies rivalisant avec Brooklyn ou
Portland en capitale hipster des
États-Unis. L’influence de Slacker
est longue. Ronald Bronstein, auteur de Frownland et autre spécialiste
de l’hystérie bavarde, disait en 2011 dans les Cahiers que l’emprise qu’avait eu sur lui Slacker ne s’était jamais relâchée. Hommage ultime, la Austin Film
Society célébrait le vingtième anniversaire de la sortie de Slacker en
produisant Slacker 2011, remake-mise
à jour du film de Linklater par vingt-quatre cinéastes d’Austin, où les vélo
taxis remplacent les voitures et où l’excentrisme et visiblement plus poussé –
car depuis Slacker, Austin a une réputation à défendre.
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